1J1597 - Lettre autographe signée de Napoléon La Cécilia. Iéna (Allemagne), 26 mai 1859.

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Lettre autographe signée de Napoléon La Cécilia. Iéna (Allemagne) le 26 mai 1859.

Cote/Cotes extrêmes

1J/1597 (Cote)

Date

jeudi 26 mai 1859

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales d'Indre-et-Loire

Description physique

3 pages. Papier.

Importance matérielle

1 article(s)

Localisation physique

AD37 - Site de Tours

Origine

Producteurs privés isolés (Indre-et-Loire)

Biographie ou Histoire

Napoléon la Cecilia naît à Tours le 13 septembre 1835. Son père, italien, Giovanni La Cecilia (1800-1880), participe en 1820 à la Révolution constitutionnelle napolitaine qui conduit à son emprisonnement. Expulsé de Toscane, il se rend d'abord en Corse, où il rencontre sa future épouse, Elisa Casella, puis à Marseille et arrive à Tours en 1833, comme réfugié politique. En 1834, il publie un ouvrage de 350 pages : La République parthénopéenne, épisode de l'histoire de la République française, traduit de l'italien par Hippolyte Thibaud, (AD37 230J 13). Cet ouvrage est imprimé chez Raverot, qui est également l'imprimeur du journal Le Courrier d'Indre-et-Loire et dont le nom figure aussi comme témoin dans l'acte de naissance de Napoléon La Cécilia.

Napoléon commence ses études au collège d'Ajaccio, puis, bachelier à dix-sept ans, il les poursuit à Paris. En 1859, il est étudiant à l'université d'Iéna en Allemagne, mais donne aussi des cours particuliers pour financer ses études. En 1860, il rejoint Garibaldi et participe à l'expédition des Mille. Nommé colonel du génie à Marsala, il contribue à la prise de Palerme. Il abandonne ses fonctions en 1861 pour conserver la nationalité française.

Installé à Naples, il enseigne le sanscrit au collège asiatique de 1861 à1869. Quand cet établissement est restitué aux Jésuites, il refuse d'y professer et rentre en France. Mêlé à l'opposition républicaine à la fin du Second Empire, il s'engage après le 4 septembre 1870, à la suite de la défaite de Sedan et de la proclamation de la République, dans l'armée de la Loire. Il participe à la défense de Châteaudun et aux batailles de Coulmiers et d'Alençon et devient, vers la fin de la guerre, colonel dans le corps des francs-tireurs de Lipowski.

Après le soulèvement du 18 mars 1871, il devient chef d'état-major du général Émile Eudes. Il se marie avec Marie David, institutrice. Le 24 avril, nommé général, il prend le commandement de l'armée de la Commune qui opère entre la rive gauche de la Seine et la Bièvre. Pendant la Semaine sanglante, il combat sur les barricades.

Après la défaite de la Commune, il parvient à se réfugier à Londres, où il collabore à des journaux socialistes, enseigne le français à la Royal Naval School de New Cross et devient membre de la Philological Society. Malade, il part en 1875 pour l'Égypte, en quête d'un climat plus propice, mais meurt de la tuberculose à Ramleh (banlieue d'Alexandrie), le 25 novembre 1878. Ses témoins étant Ernest Maignan, négociant et Auguste Sorbier, libraire.

Modalités d'entrées

Type d'entrée : Achat

Date d'entrée : 22/09/2020

Présentation du contenu

Cette lettre a été écrite par Napoléon La Cécilia (1835-1878), le 26 mai 1859, quand il résidait à Iena, en Allemagne. Il est âgé de 23 ans et poursuit ses études à l'université. Il s'adresse à un certain M. Crépet, dont le nom apparait à la fin de la lettre, qui a dû l'aider financièrement en lui prêtant 25 thalers. Cette lettre se divise en 3 parties. Dans la première partie, Napoléon La Cécilia se perd dans des explications confuses pour expliquer que le remboursement des 25 thalers qui avait été adressé à M.Crepet a dû être perdu par la Poste. Il explique ensuite dans une seconde partie le contenu de ses études : les enseignements donnés par ses professeurs et les livres étudiés concernant notamment l'histoire et la littérature sanscrite, mais aussi arabe et asiatique. Il annonce dans une troisième partie son départ en Italie pour combattre avec Garibaldi dans le cadre du Risorgimento : l'unification italienne.

Transcription intégrale de la lettre 

Iéna, 26 mai 1859

 Mon Cher,

Si la dernière partie de votre lettre dont je veux m'occuper tout d'abord m'a affligé, je n'ai pas besoin de vous le dire mais je suis loin de vous accuser ou de me plaindre car les apparences sont contre moi, j'espère cependant qu'une explication loyale et sincère comme cela se fait entre gens d'honneur suffira pour effacer le nuage qui s'est élevé entre vous et moi. Certes, il me serait dur de perdre votre amitié mais surtout pour rien au monde, je ne voudrais vous voir me retirer votre estime, pour rien au monde, je ne voudrais que le soupçon qui s'élève dans votre esprit devient une réalité et que vous crussiez qu'en m'obligeant, je dirai mieux qu'en faisant un lourd sacrifice pour me venir en aide dans un moment de détresse, vous êtes tombé sur un ingrat, pour ne pas dire quelque chose de pis.

 Mais premièrement, vous avez mal lu ma lettre ou bien dans la hâte que j'ai mise à l'écrire (n'ayant pas reçu une lettre de Faurety, je croyais que les informations que l'on prenait sur mon compte venaient de vous, je n'ai pas fait mention d'une lettre envoyée à vous le 14 ou 15 janvier en réponse à la vôtre du 11 et qui contenait avec plusieurs détails que vous m'aviez demandé un billet de 25 thalers que j'avais été heureux de pouvoir vous expédier. Cette lettre, cette somme les avez-vous reçus ? Non, sans doute car sans cela, vous m'en auriez touché un mot. Il faut donc qu'une fatalité inexplicable ou plutôt la main adroite de quelque employé de la poste ait fait disparaître la lettre et son contenu. A la suite de cela, accablé par le fardeau énorme de 88 à 95 heures de travail par semaine, obligé de passer 14 nuits (à des intervalles différents) sans me coucher pour faire face à mes études et à mes devoirs de professeur, privé pendant près de deux mois de l'usage de ma main droite à cause d'une chute arrivée en faisant de la gymnastique (seul moyen de conserver ma santé fortement ébranlée), je n'eus ni le temps, ni le moyen de m'informer auprès de vous, quoique je commençais à m'inquiéter fortement de votre silence, si vous aviez reçu mon envoi.

 Vinrent ensuite les examens, puis les vacances de Pâques pendant lesquelles le directeur du pensionnat me chargea d'accompagner à Berlin quelques élèves et d'y rester trois semaines afin de les ramener ensuite à l'institut. A Berlin, on m'envoya votre lettre, surpris et épouvanté, croyant que par un malheur inexplicable, vous n'aviez reçu ni mon billet, ni les 25 Thalers en question, je vous répondis sur le champ en vous demandant des explications à cet égard. En même temps, je m'excusai auprès de vous de ne pas donner une nouvelle somme, parce que j'avais été obligé de m'imposer de grands sacrifices pour l'achat de quelques livres indispensables à mes études : le dictionnaire arabe de Freytay [Freytet], la gravure arabe de Caspari, la chrestomathie arabe d'Arnold, la chrestomathie sanscrite de Böthlinck, et le tout s'élevant à 30 thalers. Cette lettre aussi ne vous est pas parvenue. Dans le billet que je vous écrivis à la hâte, il y a quelques jours, il me semble vous avoir touché un mot de cela, soyez assez bon pour relire et vous en assurer.

 Suis-je vraiment coupable maintenant ? et croirez-vous encore que j'aie pu oublier mes engagements envers vous qui avez été si bon et si délicatement généreux à mon égard ? non, non et soyez bien persuadé que fussiez-vous millionnaire, jamais vous ne serez assez riche, pour que je considère comme pouvant vous priver de ce dont je suis débiteur.

Malgré les obstacles que mes occupations pédagogiques m'opposaient, j'ai su trouver le temps et les moyens ncessaires pour poursuivre mes études et à force d'énergie et de patience et de volonté, je suis parvenu à quelques bon résultats. Dans le semestre passé, j'ai suivi assidument les cours d'esthétique de Karis Fischer, de langue arabe et de langue hébraïque de M.Stickel, de langue sanscrite de M. Schleicher. J'ai appris les éléments de grammaire arabe, traduit le livre des sentences d'Ali-Abu-Talib et le manuel du savant de Buhran-Al-Din, j'ai approfondi la grammaire hébraïque et sanscrite et traduit de longs fragments du livre de Samuel et le charmant épisode de Nala et Damayanti.

A côté de cela, je me suis beaucoup occupé de l'histoire de la littérature, géographie des sciences et des peuples sanscrits et indiens. J'ai lu le magnifique livre de Colebrooke : On the philosophy and the religion of the Hindus, l'ouvrage du même auteur : On the Algebra of the Hindus et plusieurs articles intéressants de Wilson dans les Asiatics Researches.

 En outre, j'ai dévoré pour la seconde fois l'ouvrage important de Köppen : Die religion des Budha und ihre Enstehung, les Indische Skizze de Weber, les Indische Litteratur Geschichte  du même, de nombreux fragments de  Das Alte Indien de Bohlen, de l'Indische Alterthumskunde » de Lassen, plus l'histoire critique de l'ancien Testament de Richard Simon, de nombreux articles de la bibliothèque orientale de Herbelot, la  Geschichte der Phanicier de Movers, les Monumenta  phenicia de Gesenius etc , devenu grâce à M.Stickel, qui m'en remit le diplôme, le premier de l'an, membre de la Société asiatique allemande, j'ai profité des savants travaux que publie le journal de cette société et finalement nommé membre de la société philomatique d'Iéna, j'ai lu il y a 8 jours dans une dernière séance, une dissertation en allemand sur les différents systèmes de numérations et sur les méthodes pour mesurer le cercle chez les Grecs, les arabes et les indiens. Depuis l'ouverture du nouveau semestre, je suis le cours suivant : Explication des personnes (Stickel).  Explication de fragments d'auteurs arabes (Stickel). Langue chaldéenne et explication du livre de Daniel et des Targumins (Stickel), Morphologie des langues, grammaire comparée (Schleicher) ; Sanscrit et explication du Panchatantra (Schleicher).

Mais toutes ces études doivent être négligées pour le moment, je suis à la veille de conquérir une position brillante, qui me mettra à même, je l'espère, du moins, à éteindre mes dettes dans six mois et plus tard de continuer mes études sans avoir besoin de donner des leçons dans un institut. Il m'était impossible de rester plus longtemps en Allemagne dans un moment où l'Italie tente un dernier effort pour son indépendance, où l'Allemagne fanatisée et égarée par l'Autriche méconnait tout sentiment de justice et de solidarité des peuples et ne parle que de conquérir et démembrer la France. Je me suis donc résolu à tirer moi aussi l'épée pour la cause italienne et ne voulant pas prêter serment à qui vous savez, j'ai offert mes services au Piémont, ils ont été acceptés et je serai placé comme sous-lieutenant d'état-major à la suite d'un général quelconque, je crois, Ullon qui est à présent en Toscane et l'on me promet un avancement rapide. Dans deux jours ou trois jours au plus tard, je partirai pour Turin et de là me rendrai sans différer auprès de ma division. On m'a fait savoir que pour le 6 juin, il faut que je sois déjà entré en service. 

C'est donc une lettre d'adieu que je vous écris, mon cher Crépet, j'espère que les balles autrichiennes me respecteront, mais si la mort m'attend sur les champs de la Lombardie, je sacrifierai volontiers ma vie pour une cause aussi juste et qui doit avoir la sympathie et l'appui de tout vrai démocrate, je ne regretterai qu'une seule chose, c'est de ne pouvoir en ce moment solennel vous presser une dernière fois sur mon cœur et vous dire combien, vous, je vous estime et vous aime.

Adieu donc, cher et bon ami, pensez quelquefois à moi, de mon côté je n'oublierai pas de vous donner de mes nouvelles, dans le cas où je serai frappé d'un coup mortel, j'ai pris des dispositions afin que ma famille acquitte la dette sacrée que j'ai contracté envers vous. Mes adieux et de sincères à tous nos amis Bernard, Marcel, mon cher Brisson, Bogé, etc, etc& J'ai écrit à Faurety et à Renouvin.

Je vous embrasse encore une fois de tout cœur.

Votre tout dévoué

N. La Cecilia

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