André DEVAMBEZ, un illustrateur plein d'humour
André Devambez (1867-1944) est un peintre, graveur, illustrateur, célèbre au début du 20ème siècle, puis oublié et qui vient d'être remis à l'honneur par une exposition au musée du Petit Palais à Paris, du 9 septembre 2022 au 5 février 2023. Il utilise des cadrages innovants avec des vues plongeantes, il se passionne pour les inventions modernes : dirigables et avions. Pour ses illustrations, il a une imagination débordante et représente une foule de petits personnages colorés, de manière minutieuse.
Des menus illustrés par André Devambez
André Devambez a étudié à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et a obtenu en peinture le grand prix de Rome en 1890. Ce concours artistique, très difficile, permettait d''avoir une bourse d'études et de se former en Italie à Rome, à la villa Médicis. Avant leur départ en Italie, les "prix de Rome" se retrouvaient avec les autres élèves de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris pour un banquet, qui avait lieu en décembre. Le menu était illustré par un étudiant. Parmi les élèves présents à ces banquets figurait l'architecte tourangeau Benjamin Chaussemiche (1864-1945), élève de Victor Laloux, qui obtint le grand prix de Rome en 1898. Les archives de Benjamin Chaussemiche sont conservées aux Archives d'Indre-et-Loire et parmi les nombreux documents sont regroupés une dizaine de menus, dont trois illustrés par André Devambez, qu'il avait précieusement conservés.
Le menu du dîner des Prix de Rome en 1890
Ce menu figure le départ en train des élèves ayant eu le Prix de Rome. D'autres étudiants placés aux fenêtres du restaurant du Grand Vefour leur souhaitent un bon voyage. L'un d'entre eux, un peu maladroit laisse échapper son verre. On reconnait la manière de dessiner d'André Devambez, qui arrive à représenter des petits détails amusants. En bas du restaurant, un groupe de femmes les salue.
Les lauréats sont représentés sur les wagons du train : les architectes Emmanuel Pontremoli et Louis Sortais qui ont reçu le prix ex-aequo ; le sculpteur Paul Gascq, le graveur Charles Pillet et à ses côtés, celui dont on ne voit que le haut de la tête n'est autre que le peintre André Devambez, qui obtint cette année-là le prix de Rome pour son tableau " le reniement de saint-Pierre" . Le train est conduit par la déesse Roma, représentée comme une divinité guerrière, casquée, à l'image d'Athéna. L'arrivée est symbolisée par le dessin d'un bâtiment portant l'inscription " gare de Rome quelques minutes d'arrêt".
Le menu du 11 décembre 1891
Les quatre élèves ayant eu le Prix de Rome sont placés dans un pilori, ils tiennent dans leurs mains la représentation de l'oeuvre pour laquelle ils ont concouru. De gauche à droite : le peintre Alexandre-Louis-Claude Lavalley tient une oie qui figure sur son tableau "Jupiter et Mercure reçus par Philémon et Baucis" , le sculpteur François Sicard, né à Tours en 1862, tient sa statuette " Apollon chantant au milieu des bergers", l'architecte Henri Eustache, tient le desssin de son projet d'une gare centrale et le musicien Charles Silver en monstre griffu. Le prix de Rome ne fut pas attribué en gravure. Dans l'angle, en bas à gauche, peut-être une allusion aux coutumes des élèves Prix de Rome puisque l'infortuné Pillet, présent sur le menu de 1890 cède la place à André Devambez, enchaîné, qui devient à son tour l'infortuné.
Le menu du 13 décembre 1892
L'illustration est de couleur sépia. Installés sur le char d'Apollon, les" Prix de Rome" se dirigent de Paris, symbolisé en bas par la Tour Eiffel, vers la villa Medicis à Rome, dessinée, en haut à droite. Elle est surmontée d'une inscription : " Il dit et étant monté sur le fiacre divin d'Apollon au fouet d'argent, ils prennent leur vol vers la ville sacrée que leur indique Pallas sous les traits du sage S.Carnot. Telle Calypso inconsolable, Lutèce en pleurs déchire l'air de ses lamentations." Iliade, chant XYZ." Le sage S. Carnot fait allusion à Sadi Carnot, président de la République de 1887 à 1894, date de son assassinat. Les lauréats du Prix de Rome sont juchés sur leurs bagages et agitent leurs mouchoirs en guise d'adieu. Il s'agit de l'architecte Emile Bertone, le sculpteur Hippolyte Lefebvre, le peintre Georges Lavergne, le graveur Antoine Dezarrois. Il ne fut pas attribué en musique. André Devambez a du s'inspirer d'un tableau de Georges Lavergne car il signe, en bas à gauche : "A.D d'après Lavergne".
Ces quelques exemples montrent le talent et la fantaisie d'André Devambez, l'art du détail qu'il utilisera même en peinture, alors que c'est techniquement plus difficile qu'en dessin. Ces menus évoquent aussi l'importance du Prix de Rome dans la carrière d'un artiste et les réseaux amicaux et d'entraide qu'il a su aussi créer.