Isabeau, fille du duc Etienne III de Bavière, devient reine de France en 1385 par son mariage avec Charles VI. En 1392, le roi est atteint d'une première crise de folie ; pendant le reste de sa vie, les périodes de lucidité vont alterner avec les périodes de démence, de plus en plus fréquentes et qui rendent le roi violent. Isabeau de Bavière se consacre alors à ses enfants et amasse une fortune personnelle ; son goût pour le luxe lui est reproché. Elle est nommée régente du Royaume mais son influence politique reste limitée : l'oncle du roi, le duc Philippe II de Bourgogne et le frère du roi, le duc Louis d'Orléans se disputent le pouvoir.

La lutte pour le pouvoir entre les deux partis dégénère en guerre civile. La France est peu à peu saignée à blanc et déchirée par la lutte opposant Armagnacs et Bourguignons. Les premiers dominent le roi et Paris depuis 1415, tandis que les seconds n'hésitent pas à se compromettre avec les Anglais, qui envahissent la Normandie après leur éclatante victoire à Azincourt. Paris est une ville peu sûre, la France est dans une situation particulièrement critique.

Les liens de la famille royale avec la Touraine sont assez étroits. Charles VI et Isabeau de Bavière séjournent à Tours de novembre 1408 à juin 1409, pendant une période de démence du roi, pour l'éloigner de Paris. En 1413, le duc Charles, leur fils, comte de Ponthieu et futur roi de France, y célèbre ses fiançailles avec Marie d'Anjou. Le duché de Touraine lui échoit en juillet 1416, après la mort de ses frères. Il y fait son entrée solennelle un an plus tard, en juillet 1417. La fondation de messe à la cathédrale effectuée par la reine Isabeau a lieu quelques mois plus tôt, en mars. Elle est dotée d'une très grosse somme d'argent qui reflète l'état de sa fortune. La reine n'est alors pas présente à Tours, elle n'y revient qu'à l'été.

En effet, à la fin de l'année 1416, le comte Bernard d'Armagnac, alors véritable maître du royaume, convainc Charles VI de la nécessité d'exiler la reine Isabeau à Tours et de la faire placer sous bonne garde. Quelques mois plus tard, en novembre 1417, avec l'aide du duc de Bourgogne Jean sans Peur, elle s'enfuit de Touraine à la faveur d'une visite à Marmoutier, et après un long périple fait une entrée triomphale à Paris en juillet 1418. Cette alliance bourguignonne marque la rupture définitive entre le roi et le dauphin, qui s'installe sur ses terres de Berry, de Touraine et de Poitou qui constitueront son « royaume de Bourges ».

L'histoire de ce document, telle qu'on peut la reconstituer, est elle-même très complexe, puisqu'il ne fait que revenir, par cet achat, dans les collections auxquelles il appartient.Cette charte provient incontestablement, à l'origine, du fonds du chapitre métropolitain de Tours ; les mentions d'inventaire qui figurent au verso [11 mars année 1416 fondations Grande armoire liasse n°] sont les mêmes que celles qui figurent sur les autres chartes de fondations conservées dans la liasse G145 des Archives départementales d'Indre-et-Loire (fondations et testaments). Les deux documents sont décrits de la même façon et rangés dans la même armoire. Il en va de même pour l'ensemble des actes conservés dans la liasse G415.

Si le chartrier du chapitre a alors été mis en ordre, nous ne disposons pas d'inventaire de ce travail. A la Révolution, Rougeot est chargé de rassembler les papiers confisqués dans le département et de les mettre en ordre. Après la loi de Messidor an II qui fonde l'organisation des archives publiques en France, il devient archiviste départemental.

A quel moment la charte d'Isabeau a-t-elle été soustraite au fonds du chapitre ? Ce n'est probablement pas lors des opérations de tri révolutionnaire, qui ont touché notamment les titres féodaux des chapitres du département, car les documents extraits des fonds à ce moment-là, sous la direction de Rougeot lui-même, ont été soit détruits soit, pour les parchemins, recyclés dans une cartoucherie, d'après les rapports qu'il a établis alors. Ces rapports ne fournissent évidemment pas la liste des liasses ou documents détruits, mais Rougeot connaissait bien le fonds du chapitre, il a sauvé les autres actes de fondation de messe, il serait étonnant qu'il ait sciemment détruit le plus prestigieux. La charte a donc probablement disparu soit avant 1790, soit franchement après, hors contexte de destructions révolutionnaires. Cette hypothèse n'est pas invraisemblable, d'après ce qu'écrit en 1878 Charles Loizeau de Grandmaison dans son introduction de l'inventaire des séries anciennes des Archives d'Indre-et-Loire.

La charte d'Isabeau aurait le bon profil pour faire partie de cet ensemble, mais aucun caractère diplomatique porté sur le document ne permet de le prouver de manière certaine. Elle n'a pas été estampillée ou cotée dans les collections départementales, car ce n'était pas encore une pratique courante chez les archivistes du début du XIXe siècle. La charte a donc bien sa place d'origine dans le fonds des Archives du chapitre métropolitain de Tours, aujourd'hui conservé aux Archives d'Indre-et-Loire, mais il n'est pas possible d'établir si elle en a été soustraite avant ou après la nationalisation de ce fonds.

Achat. Ce document a été vendu dans le cadre de la dispersion des collections Aristophil (faillite en 2015). La vente publique, réalisée par la maison Aguttes, s'est tenue le 4 avril 2019.

Le document a été préempté par les Archives de France pour le compte des Archives d'Indre-et-Loire. La Société des Amis des Archives de France a accepté de participer à cette acquisition.

Date d'entrée : 04/04/2019

NC Substitution

Voir AD37 - G 2015